Le 2021-06-24 12:25:31, Les horreurs de la guerre d’indépendance algérienne hantent les films français récents
Comme le rapport Stora, qui fait l’objet de controverses depuis sa publication en janvier 2021, peut en témoigner, la guerre d’Algérie est loin d’être terminée, malgré le fait que cela fait près de 60 ans que le cessez-le-feu a été déclaré en 1962. C’est aussi beaucoup le cas en France, comme c’est le cas en Algérie. Le cinéma français d’aujourd’hui en est aussi témoin puisque les cinémas de France ont rouvert après une longue période de fermeture.
Par exemple, l’ADN de Maïwenn, qui n’était en salles que quelques jours avant l’introduction du confinement de l’automne dernier, est de retour sur grand écran. Ce film évoque les répercussions de la mort d’un grand-père, ancien moudjahid, sur une famille algérienne immigrée en France.
Des Hommes, également sorti début juin, est un long métrage encore plus ambitieux. Il raconte l’histoire d’anciens soldats d’un village de France rurale qui, des décennies après leur départ pour combattre le Front de Libération Nationale (FLN) à travers la Méditerranée, remarquent soudain que des souvenirs traumatisants de la guerre refont surface, ceux qu’ils avaient longtemps supprimé. Comme ADN, ce film a été sélectionné par le Festival de Cannes pour son édition 2020, qui n’a pas eu lieu.
Isabelle Adjani dans Sœurs de Yamina Benguigui
Soeurs de Yamina Benguigui – qui met en scène quelques-unes des plus célèbres actrices d’origine algérienne : Isabelle Adjani, Rachida Brakni, Maïwenn et Hafsia Herzi – est sorti en France début juin. Ce film marque le retour de Benguigui dans le monde du cinéma, puisque son dernier film, Inch’Allah Dimanche, est sorti il y a 20 ans. Soeurs ne traite pas directement de la guerre d’indépendance mais évoque plutôt ses lointaines séquelles, qui ont été la période menant aux manifestations populaires du Hirak qui ont poussé l’ancien président Abdelaziz Bouteflika à démissionner. Il examine également les relations franco-algériennes à travers une histoire impliquant un ancien indépendantiste qui kidnappe son enfant.
Gérard Depardieu dans Des Hommes de Lucas Belvaux
Des Hommes était à l’origine un livre publié par Laurent Mauvignier en 2009, à une époque où la fiction sur la guerre d’indépendance était rare. Le livre a été un énorme succès, remportant divers prix dont le Goncourt des Lycéens.
Son adaptation cinématographique offre un récit sans faille, à travers de longs flashbacks, de ce que les jeunes soldats français – partis pour devenir, souvent à contrecœur, les acteurs d’un conflit ultra-violent sur le sol algérien – ont vécu et tenté en vain d’oublier. Tout est là, ou du moins évoqué, des viols et exécutions extrajudiciaires à la torture, le destin désastreux des harkis (troupes paramilitaires soutenant les Français) une fois la victoire du FLN déclarée et le napalm versé sur tous les êtres vivants dans les « zones interdites ». Ces scènes sont souvent insupportables à regarder.
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Ces retours en arrière sont d’autant plus violents qu’ils démontrent que ces hommes refoulés n’ont pu partager aucune de leurs réflexions à leur retour d’Algérie. Car, comme le dit l’un d’eux, « personne ne voulait rien savoir [about the war]» et, par conséquent, « on ne nous a posé que des questions stupides. » Certains d’entre eux étaient « est-ce qu’un chameau est gros, plus gros qu’une vache? » ou « est-il vrai que les femmes musulmanes se rasent le vagin ? ».
Tout commence à s’effondrer après que Bernard (alias « Feu-de-Bois), devenu un solitaire qui ne parle qu’à son chien et son fusil de chasse, se soit saoulé lors de la fête des 60 ans de sa sœur – à laquelle il n’était pas invité – et commence à crier des insultes racistes envers la seule famille maghrébine du village. Cette fête eut d’ailleurs lieu un demi-siècle après la fin des hostilités.
Cela déclenche une série d’incidents qui conduisent à un retour en arrière de ce qui s’est passé au début des années 1960, de l’autre côté de la Méditerranée. Mais ni le colosse Feu-de-Bois, son cousin effacé Rabut, ni l’ancien paysan – qui compara jadis le comportement des soldats français à celui des nazis – ne sont vraiment en mesure de tourner une page. Leurs blessures resteront avec eux pour toujours.
A la fois film de guerre et drame psychologique, mais sans aucun pathos, Des Hommes souffre de son intrigue un peu compliquée, car il fait des allers-retours constants entre passé et présent. Ceci est probablement dû au fait qu’il s’efforce trop de rester fidèle au texte de Mauvignier.
Heureusement, les superbes interprétations des acteurs principaux, de Gérard Depardieu dans le remarquable Feu-de-Bois à Jean-Pierre Daroussin (Rabut) et Catherine Frot (sœur de Feu-de-Bois), donnent une grande profondeur à tous les personnages. Le résultat est un film très intéressant qui examine à la fois le conflit colonial et ses conséquences à long terme, que la France n’a toujours pas oubliées.
C’est une première pour le cinéma français. Peut-être parce que, comme nous l’avons déjà vu à propos de la Seconde Guerre mondiale et de la barbarie nazie, ainsi que de l’Holocauste, nous devons souvent attendre deux générations avant de pouvoir pleinement apprécier l’impact qu’une guerre horrible a eu sur les personnes impliquées. Autrement dit, ce film nous dit à sa manière qu’en France – pour ce qui est de la mémoire, la guerre d’Algérie ne fait en quelque sorte que commencer. Cela semble également être le cas en Algérie, où les manifestants du Hirak ont maintes fois montré qu’ils voulaient eux aussi revisiter l’histoire.
ADN de Maïwenn, Des Hommes de Lucas Belvaux et Soeurs de Yamina Benguigui sont tous sortis en France le 2 juin.
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