Rédaction Le 2021-07-15 16:26:30, en pleine crise sanitaire, Ennahdha réclame une somme astronomique au gouvernement
Juché sur un muret, place de la Kasbah, à Tunis, en plein sit-in des adhérents du parti islamiste Ennahdha, Abdelkarim Harouni, l’un des principaux leaders du mouvement, a lancé le 1er juillet un ultimatum au gouvernement qui a appelé la colère dans l’opinion. Alors que la Tunisie est désormais le pays d’Afrique où le nombre de décès dus au Covid-19 est le plus élevé, Abdelkarim Harouni exigeait le versement de sommes faramineuses avant le 25 juillet, jour de la fête nationale.
Le nombre de milliards de dinars demandés au titre des « compensations aux victimes de la dictature » [de Ben Ali, l’ancien président chassé par la révolution du jasmin de 2011] volait dans l’air étouffant avant de se propager dans tout le pays. La confusion la plus absolue règne notamment dans la presse locale. Après toutes les vérifications, personne ne savait déterminer avec précision s’il s’agissait de 3 milliards de dinars tunisiens, soit 900 millions d’euros, ou bien de… 3 000 milliards de dinars ?
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Même les Tunisiens s’y perdent. S’il s’agit de 3 milliards de dinars, le pays aurait eu besoin d’un cinquième de cette somme pour vacciner toute sa population ! Le 1er juillet, en effet, la Tunisie n’avait pas encore reçu les dons en vaccins venus de nombreux pays, dont la France, après le SOS lancé le 6 juillet par la porte-parole du ministère de la Santé, le docteur Nissaf Ben Alaya, en larmes. « Notre système de santé s’est effondré ! » s’était-il exclamé. Sa hiérarchie, affolée, avait préféré démentir des propos qui remettaient en cause l’incurie politique. Mais personne ne s’y est trompé sur la scène internationale et la noria des avions chargés de vaccins pour sauver la Tunisie a commencé à l’aéroport de Carthage.
Alors que le spectacle à la télévision française – dans un reportage de France 2 – des agonisants privés d’oxygène, certains couchés à même le sol des hôpitaux bondés, illustre la faillite du pays, la rage déferle dans l’opinion contre le cynisme du parti islamiste. Les commentaires sur les sites génèrent la colère des Tunisiens. « Ils se frappent la tête contre le sol à l’heure de la prière en disant Dinar Akbar ! » (« Le dinar est grand »), peut-on lire entre autres. Un groupe Facebook intitulé « Non aux indemnités de la honte » à rassembler près de cinq cent mille signatures.
Ennahdha nie en bloc
Depuis le 14 juillet, épouvanté par ces réactions, Ennahdha nie tout en bloc. Sur les ondes de la radio Express FM, Abdelkarim Harouni a récusé ses propres propos. Il s’agit selon lui d’« une rumeur de la Kasbah sur laquelle nous allons déclencher une enquête ». Ses paroles ont pourtant bel et bien été enregistrées. L’objectif du gouvernement d’Ennahdha était de reconquérir à toute vitesse, d’argent, les voix de ses sympathisants, échaudés par l’incapacité du parti et du premier ministre Hichem Mechichi – à ses ordres – à gérer le pays ravagé par la pandémie .
Certes, le parti tient d’une main de fer les institutions, avec une stratégie d’emprise et de violence sur les débats du Parlement. Des milices privées et des gros bras ont même récemment été menacés des médias indépendants. Mais en cas d’élections anticipées, la popularité du parti de Rached Ghannouchi risque de s’effondrer face à celle du président Kaïs Saied, et surtout à celle d’Abir Moussi, leader du Parti destourien libre.
This pasionaria de 46 ans, rouée de coups en pleine Assemblée par des députés proches d’Ennahdha, ose défier les islamistes jour après jour. Quand elle prend le micro au Parlement, on lui envoie désormais des femmes voilées pour l’empêcher de parler. Les Tunisiens, qui aiment les héroïnes féminines, la comparant à la reine Didon, la fondatrice de Carthage. Et le scandale des « indemnités de la honte » propulse Abir Moussi encore un peu plus haut dans les sondages dans un pays désespéré.
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