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En Tunisie, le renouveau des semences traditionnelles face au défi climatique

En Tunisie, le renouveau des semences traditionnelles face au défi climatique

Actuexpress Le 2021-09-01 07:48:22, En Tunisie, le renouveau des semences traditionnelles face au défi climatique

Jedaida (Tunisie) (AFP)

Face aux sécheresses accumulées et à la propagation des maladies, les agriculteurs tunisiens de plus en plus nombreux à revenir aux semences traditionnelles, longtemps menacées par les variétés hybrides mais qui se déclarent selon eux plus les conséquences du changement climatique.

Alors que les semences de blé améliorées, développées à partir des années 1980 en Tunisie, sont rattrapées par les maladies, les variétés traditionnelles font de la résistance, assurent-ils.

Les changements climatiques provoquant des variations de précipitations, de température et d’humidité, ce qui favorise le développement de certaines maladies, explique à l’AFP Maher Medini, chercheur tunisien en biologie moléculaire.

Selon lui, « la base de l’adaptation est la diversité ». Et les variétés autochtones sont un « réservoir de gênes vieux de plusieurs, voire de milliers d’années », qui sont toujours aptes à répondre aux défis du climat de demain.

En Tunisie, de génération en génération, la coutume a longtemps vu les paysans stocker une petite partie de leurs récoltes recueillies à partir d’une session « autochtones » pour ensemencer les champs l’année suivante.

Mais avec le recours croissant aux semences hybrides ou génétiquement modifiées –aux récoltes présentées comme plus abondantes et plus faciles à « calibrer » –, ces plantes autochtones sont presque tombées dans l’oubli.

Récolte du blé à Jedaida, le 12 juin 2021 en Tunisie
Récolte du blé à Jedaida, le 12 juin 2021 en Tunisie FETHI BELAID AFP

Ces dernières années, des paysans tunisiens tentent toutefois de les ressusciter. Pour la bonne cause.

– « Résultats » –

A Jedaida, une région agricole à une trentaine de km de Tunis, Mohamed Lassad ben Saleh, dit avoir « hésité avant de s’aventurer », il ya huit ans, à replanter une variété de blé autochtone, dite « al-Msekni ».

Dans sa ferme, odeur de paille et ronronnements de moissonneuses-batteuses : la saison de la récolte bat son plein. Le blé est mis dans des sacs blancs, puis pesé séparément, afin de calculer la productivité de chaque parcelle. « Et les résultats sont bons », se félicite M. Ben Saleh.

Alors, chaque fin de journée, exploitant les agriculteurs du coin pour partager les chiffres de productivité de la semence traditionnelle, une manière de tenter de convaincre d’abandonner leurs équivalents industriels.

Du blé fraîchement récolté dans un champ de Jedaida, le 12 juin 2021 en Tunisie
Du blé fraîchement récolté dans un champ de Jedaida, le 12 juin 2021 en Tunisie FETHI BELAID AFP

L’agriculteur explique que sa récolte est supérieure à cinq tonnes par hectare, bien plus que la moyenne nationale (1,4 à 2 tonnes) sur les dernières années.

Selon M. Ben Saleh, la variété « Al-Msekni » résiste mieux aux épisodes prolongés de sécheresse du climat tunisien, et aux maladies –ce qui lui permet au passage de faire des économies en pesticides.

« Les +nouvelles+ variétés sont fragiles et rapidement affectées par les champignons », par exemple, dit-il.

Un des paysans présents, Oussama Bahrouni, semble convaincu. Dès la prochaine saison il veut semer une variété locale.

Auparavant, dit-il, les agriculteurs doivent acheter des semences à chaque saison, car les graines de semences hybrides ne peuvent être resemées.

Résultat : à ce jour, la Tunisie importe chaque année de 70 à 80% de ses semences de légumes.

– « Patrimoine génétique » –

Une banque nationale travaille à « reconquérir » le « patrimoine génétique » local.

Depuis 2008, elle collecte des semences traditionnelles auprès des agriculteurs et récupère des semences autochtones conservées dans des banques de gènes à travers le monde.

La Tunisie a ainsi pu rapporter au pays plus de 7.000 échantillons de graines d’arbres fruitiers, céréales ou légumes, sur les plus de 11.000 trouvés en Europe mais aussi en Asie, et jusqu’en Australie. Ces graines commencent à être semées à nouveau dans les champs tunisiens.

Du blé prêt à être récolté dans un champ de Jedaida, le 12 juin 2021 en Tunisie
Du blé prêt à être récolté dans un champ de Jedaida, le 12 juin 2021 en Tunisie FETHI BELAID AFP

Les variétés anciennes comme « Al-Msekni » ou « Al-Mahmoudi » « sont issues de cette terre, elles la connaissent très bien », selon Aymen Amayed, chercheur en politiques agricoles.

De ce fait, elles s’adaptent mieux aux épisodes s’accumulent de sécheresse, et plus largement « aux changements climatiques », explique de son côté M. Ben Naceur.

Face à l’augmentation prévue des températures à l’horizon 2050, il assure que « les variétés qui ne seront pas celles qui vont disparaître », alors que des records absolus de chaleur ont été battus cet été en Tunisie.

L’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) met elle-même en garde contre un recours croissant aux semences hybrides, considérant qu’il constitue une menace pour les semences autochtones.

Selon la FAO, environ 75% de la diversité génétique des cultures dans le monde a déjà disparu au cours du siècle dernier.

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