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En Tunisie, les maires se rebiffent contre la pollution des plages

En Tunisie, les maires se rebiffent contre la pollution des plages

Rédaction Le 2021-06-15 13:00:14, En Tunisie, les maires se rebiffent contre la pollution des plages

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Des volontaires collectant des déchets sur une plage d'El Marsa, près de Tunis, en juillet 2019. Des volontaires collectant des déchets sur une plage d’El Marsa, près de Tunis, en juillet 2019. FETHI BELAID / AFP

Sur le blason de la municipalité de Raoued, une silhouette se dresse sur une planche à voile, fendant les vagues : « C’était une autre époque, un temps où tout le monde venait de se baigner à Raoued. » Adnene Bouassida, maire de cette commune de 90 000 habitants en banlieue nord de Tunis, soupire, nostalgique. Enfant de la médina, il s’y rendait régulièrement avec les scouts en excursion. « De très bons souvenirs », ajoute-t-il.

Aujourd’hui, rares sont les vacanciers ou les habitants qui s’aventurent à la baignade. La plage est désormais trop polluée, soit par les détritus qui s’accumulent sur le sable, soit par les rejets des conduites d’eau pluviale et d’eau traitées qui se déversent directement dans la mer via de gros tuyaux.

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Lorsque les services d’assainissement sont en panne, ces eaux récupérées se retrouvent souvent mélangées à des eaux usées brutes, dégageant des odeurs nauséabondes dans les oueds. Des marécages se forment, attirant des nuées de moustiques. Un spectacle de plus en plus difficile à supporter pour les riverains qui préfèrent aller se délasser ailleurs.

Dans un pays prisé par les touristes pour son littoral, la pollution des plages et des oueds est un fléau pour de nombreuses villes côtières, particulièrement dans la région du Grand Tunis. Le pays, en stress hydrique, a lancé une politique de valorisation des effluents, notamment pour l’irrigation de l’agriculture. Mais le système manque encore de rodage. Face à l’urbanisation galopante de la capitale, de nombreuses stations d’épuration sont saturées quand d’autres sont toujours en cours de réhabilitation.

Un couloir d’eau noire s’écoulant dans la mer

A l’approche de l’été, les municipalités n’hésitent plus à monter au créneau pour préserver « leur » Méditerranée. « L’année dernière, avec le confinement, la plage avait repris ses couleurs d’antan et nous avons pu y retourner, mais ça n’a pas duré longtemps », insiste Adnene Bouassida. Il tape régulièrement du poing sur la table auprès des autorités, car les pannes et les accidents de l’Office national de l’assainissement (ONAS) sont, selon lui, trop fréquents.

« Pourtant, cette entreprise publique a fait un gros travail depuis plusieurs années pour mieux gérer le traitement des eaux usées, admet-il. Mais, malgré les investissements, il y a encore des problèmes. » L’ONAS a du mal à gérer ses infrastructures et manque de moyens pour faire fonctionner ses stations.

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A Hammam Chott, en banlieue sud de Tunis, le jeune maire Nizar Magri fait aussi les frais de ces rejets intempestifs. Alors que la plage vient d’être nettoyée pour la saison estivale, le 2 juin, la mairie publie dans un post Facebook des images d’un couloir d’eau noire s’écoulant dans la mer. En cause, l’affaissement d’une canalisation. « L’ONAS a dû faire une déviation et au lieu de pomper les eaux usées brutes et de les mettre dans des citernes, elles ont été déversées dans la conduite d’eau pluviale qui, elle, va vers la mer », accuse Nizar Magri .

Pour la commune, c’est l’accident de trop. « Ce n’est pas la première fois que ça arrive et c’est très grave, car notre plage est la seule dans la banlieue sud où les gens peuvent encore se baigner », assène le maire. Dans la plupart des communes avoisinantes, ce loisir est interdit à cause de la pollution.

Des amendes peu dissuasifs

Radès, autre cité de la banlieue sud, mène aussi bataille au quotidien. Le maire, Jawhar Smari, ancien consultant dans l’agroalimentaire, affirme que la municipalité va désormais prendre en charge elle-même les analyses de l’eau de mer dans la commune pour montrer l’ampleur des nuisances. Pour lui, le problème n’est pas seulement dû à l’ONAS, mais aussi au manque de contrôle sur les usines dans la zone industrielle et aux activités du port.

« Il y a une trentaine d’usines, dont certaines dans les secteurs agroalimentaires et pharmaceutiques, qui rejettent pas mal de déchets chimiques. Parfois, les eaux brutes sont versées directement dans la mer », dénonce le maire. Dans l’oued Meliane, qui descend jusqu’au littoral, de la mousse blanche flotte en surface.

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Les amendes contre la pollution en Tunisie sont peu dissuasifs pour les entreprises – entre 2 à 6 mois de prison et jusqu’à 5 000 dinars d’amende (quelque 1 500 euros) – et l’agence nationale de protection de l’environnement ( ANPE) manque aussi de contrôleurs et de moyens.

Avec le maire de Hammam Chott et des deux autres communes de la banlieue sud, il a déposé une plainte pour avoir déclaré une atteinte à l’environnement. « Le point positif, c’est que nous travaillons avec les habitants et la société civile sur ce sujet. Tout le monde est impliqué et la cause est médiatisée », déclare Nizar Magri, qui fustige un « acte criminel » contre la nature.

Depuis les élections municipales en 2018 et la promulgation d’un code des collectivités locales, les maires se sont vus octroyer davantage de pouvoir et ils ont un rôle, notamment dans la protection de l’environnement, de la santé et de l’hygiène. Mais les édiles sont aussi confrontés à un manque de moyens et de ressources légales pour mener le combat. D’autant que la question de la pollution de l’eau est liée à différents ministères et administrations de contrôle, entraînant les procédures d’imbroglio.

« Nous représentons à la fois l’État et les citoyens aux yeux des électeurs », rappelle Adnene Bouassida, rappelle la complexité, dans une telle position, d’entrer en confrontation avec une entreprise publique comme l’ONAS. « Il devrait pouvoir pouvoir et trouver des solutions, plutôt que de devoir porter plainte », résume-t-il.

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