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« La Tunisie doit gagner la bataille de l’éducation »

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Actuexpress Le 2021-07-30 12:26:28, « La Tunisie doit gagner la bataille de l’éducation »

FIGAROVOX/TRIBUNE – Le 25 juillet 2021, le président tunisien Kaïs Saïed a limogé son premier ministre et gelé le parlement. Donia Kaouach revient sur le délitement progressif que connaît la Tunisie et sur l’importance que doit prendre l’éducation dans son rétablissement.

Donia Kaouach est présidente du think tank Tunisiennes Fières et directrice générale de Leaders pour la Paix.

La Tunisie en déclin, la Tunisie ravagée par la crise sanitaire, le coup d’État en Tunisie ou la libanisation du pays ? Le monde s’émeut de ce qu’est devenu la « Tunisie de Bourguiba » mais le monde comprend-il vraiment les ressorts de cette chute libre ?

La Tunisie était en 1800 l’un des trois pôles de « la renaissance arabe », aux côtés de l’Égypte et du Levant, par la légitimité d’une construction constitutionnelle. Elle fut ensuite un modèle de progressisme social fondé sur l’éducation et l’émancipation de la femme musulmane. Enfin elle fut, très tôt, gone d’une organisation politique et institutionnelle forte qui lui a permis de devenir 65 ans après son indépendance, la «seule démocratie du monde arabe», selon Gilles Legendre, auteur d’une remarquable biographie de Habib Bourguiba .

Que s’est-il alors passé? Telle est la vraie question. Que s’est-il passé pour que l’on en arrive aux attentats, aux assassinats politiques, au pugilat dans l’enceinte de l’assemblée des représentants du peuple, aux 19.000 morts du Covid, à la fuite des cerveaux, au départ massif de la jeunesse à bord d’embarcations de fortune et enfin, aux manifestations du 25 juillet 2021 qui ont permis au Président de la République Kaïs Saïed de limoger le troisième premier ministre, geler les activités du parlement et se donner un mois pour proposer une nouvelle feuille de route ?

Au moment d’accueillir le printemps arabe (…) la Tunisie se retrouve orpheline d’une classe politique capable de lui offrir l’avenir qu’elle mérite. Le délitement commence alors.

Donia Kaouach

La réponse est sans appel: 23 ans de dictature ont à terme tué la vie politique, débranché les élites et acculturé le citoyen débouchant ainsi sur ce vide abyssal. Au moment d’accueillir le printemps arabe, ou plutôt l’avatar du printemps arabe dont on ne connaît pas à ce jour les causes réelles, externes ou internes, ou sûrement un peu des deux, la Tunisie se retrouve orpheline d’une classe politique capable de lui offrir l’avenir qu’elle mérite. Le délitement commence alors.

S’en suivra un recul sans précédent de la qualité de l’enseignement, remplacé bientôt par le religieux marqué au sceau du dogme extrémiste. La dernière digue à son tour cédera : l’administration tunisienne qui a permis jusqu’ici la continuité de l’État, s’est trouvée rongée par la mauvaise gouvernance et le délitement progressif de « l’autorité de l’État ».

La crise que nous vivons aujourd’hui n’est donc que le reflet d’une crise plus profonde : une crise relative à la gestion du pays et à ses orientations fondamentales, un attentat contre l’éducation et la politique.

C’est dans ce contexte que le président de la République devra tendre un grand redémarrage: un nouveau chef du gouvernement, un nouveau code électoral et une révision de la constitution. Il dispose aujourd’hui du soutien le plus large de la population tunisienne exaspérée par ce cirque politique et endeuillée par les milliers de morts du Covid.

Nous occultons l’essentiel, la condition sine qua non du réveil tunisien : remettre au centre des priorités « l’éducation » du peuple et la formation des élites dirigeantes du pays.

Donia Kaouach

Mais alors que les pronostics fusent sur le nom de la prochaine ou du prochain chef(fe) du gouvernement, sur le soutien ou non des Américains, des Français et du monde arabe à la démarche présidentielle, sur la troisième République nous occultons l’essentiel , la condition sine qua non du réveil tunisien : remettre au centre des priorités « l’éducation » du peuple et la formation des élites dirigeantes du pays.

La Tunisie ne doit pas se tromper de combat. L’éducation doit retrouver sa place, toute sa place. La vie publique doit s’appuyer sur un personnel politique formé et responsable bref une refonte éducationnelle totale du citoyen au décideur sans quoi tous les périls sont possibles. L’histoire est là pour nous rappeler que face au vide, ce sont les puissances les mieux organisées et non nécessairement les plus qualifiées qui prendront place.

Ceux qui affirment que le remède au «syndrome post-dictature» a frappé plusieurs pays du printemps arabe est une nouvelle dictature se quatrevoient, du moins pour la Tunisie. Ils oublient la jeunesse tunisienne et ses aspirations, les femmes et le rôle historique qu’elles ont joué dans l’histoire du pays et les spécificités culturelles du pays.

Entre dictature et chaos, nous sommes capables de trouver la réponse appropriée à condition de prendre conscience que le véritable consensus ne se fera qu’autour de l’éducation, sans quoi rien de durable ne sera possible.

Donia Kaouach

De même que les démocraties occidentales doivent inventer de nouvelles formes de représentation pour répondre à la colère de leurs opinions publiques qui se désengagent en s’abstenant ou se radicalisent dans les extrêmes, le monde arabe doit à son tour dessiner les contours de son nouveau modèle politique. Entre dictature et chaos, nous sommes capables de trouver la réponse appropriée à condition de prendre conscience que le véritable consensus ne se fera qu’autour de l’éducation, sans quoi rien de durable ne sera possible.

Seuls les peuples qui ont su retrouver leur éducation ont gagné la guerre dans la Paix : l’Allemagne, le Japon ou encore la Corée du Sud.

Tous les efforts nationaux et internationaux à destination de la Tunisie doivent se focaliser sur cela. Réparer la vie publique, réconcilier le tunisien avec la conscience de sa citoyenneté, relever le niveau de l’éducation qui connaît une chute sans précédent, gagner la bataille idéologique qui mènera nos enfants à l’émigration ou à la radicalisation, voilà qui doit animer l’action politique pour les dix années à venir, car le drame de l’éducation frappe les fondements même du pays et les à très long terme.

Victor Hugo, dans son costume de parlementaire nous rappelait que «l’instruction c’est l’État qui la doit» et sans instruction point de salut pour la Tunisie.

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